Manufacture Romeo y Julieta
L’histoire du célèbre bâtiment situé au No. 2A de la rue Belascoaín à La Havane.
Il y a un peu plus d’un an, dans le Grauer Journal de janvier 2020, nous vous parlions de l’histoire de la célèbre marque de cigare nommée d’après la tragédie des amants de William Shakespeare : Romeo y Julieta.
Intéressons-nous aujourd’hui à l’un des bâtiments qui abrita la production de la marque durant près de 60 ans, sous l’ère de Don Pepín, qui acquit la marque en 1903.
José Rodríguez Fernández, de son vrai nom, est généralement décrit comme le négociant en tabac le plus intelligent et le plus compétent de son époque. À la fin du XIXe siècle, alors âgé de 9 ans, il arrive d’Espagne à La Havane à la demande de son oncle. Ce dernier, qui l'accueille dans sa famille, l'envoie immédiatement dans l'une des meilleures écoles de La Havane. Le jeune Don Pepín poursuivra sa formation aux États-Unis, où il étudiera pendant des années, maîtrisant ainsi la langue anglaise, toujours avec le commerce comme grande vocation.
Il démarra ensuite sa carrière dans une petite fabrique de tabac où il travailla d’abord dans la plantation puis dans l’élaboration des cigares, jusqu’à devenir directeur commercial de la prestigieuse fabrique Hija de Cabañas y Carbajal y Cía. L’homme avait cependant toujours une idée en tête : posséder sa propre marque de cigare.
En 1902, quelques années après la Guerre d'indépendance cubaine, Don Leopoldo González-Carvajal, alors propriétaire de l’usine Hija de Cabañas y Carbajal y Cía, vendit sa fabrique à l’entreprise American Tobacco Company. Dès lors Don Pepín présenta sa démission. Don Leopoldo le pria alors de continuer provisoirement dans le but que la production ne subisse aucune interruption pendant les deux années de passation. Il accepta, mais finira par quitter définitivement l’entreprise dès l'entrée en fonction de la nouvelle direction. La légende voudrait que le nouveau directeur, extrêmement satisfait du travail de Don Pepín, serait même allé jusqu’à lui remettre un chèque en blanc, pour tenter de le retenir. Ce à quoi il aurait répondu : "J'ai décidé de partir pour de bon, car je suis déterminé à acheter une usine de tabac et à travailler pour moi-même.».
Ainsi, à l'âge de 37 ans, José Rodríguez Fernández, séduit par la rareté de sa production et son prestige, acquit la fabrique Romeo y Julieta alors installée rue O’Reilly, située dans La Habana Vieja, partie la plus historique de la ville.
En combinant son sens des affaires avec l'application de méthodes commerciales et marketing innovantes, Don Pepín réussi à devenir l'un des plus importants fabricants du pays. Ainsi, en 1904, la fabrique de la rue O’Reilly étant devenue trop petite, il transféra la production dans un bâtiment situé au No. 2A de la rue Belascoaín à La Havane.
Après des travaux d’agrandissement, d'un étage, la nouvelle fabrique Romeo y Julieta, dont vous pouvez apercevoir les plans originaux sur la photo, fut officiellement inaugurée en 1905. La fabrique devient alors l'une des plus modernes et des plus grandes de La Havane, occupant une surface de 1’960 mètres carrés. L’entreprise employait alors plus de 1’000 salariés dont, 750 torcédors.
Dès 1910, la fabrique est considérée comme l'une des plus solides financièrement, Romeo y Julieta a multiplié sa production par 10, passant de 2 à 20 millions de cigares par année. La renommée et le prestige de ses cigares ne connaissaient pas de limite. Elle était connue à Cuba et à l'étranger. Citons notamment sa popularité auprès de l'un des hommes d’État les plus célèbres du monde : Winston Churchill.
Durant toute cette période de prospérité, Don Pepín continua à voyager pour promouvoir ses cigares sur les principaux marchés d'Europe, d'Amérique du Sud et surtout des États-Unis, réussissant à vendre toute la production.
Malheureusement, en 1944 l’homme tomba malade et se réfugia à Paris avec sa famille, dans un hôtel particulier de la luxueuse Villa Montmorency, au cœur du 16e arrondissement. Durant cette période, il confia la gestion de la fabrique à son associé principal et vice-président, Ramón Argüelles Busto. Don Pepín rendit son dernier souffle en 1954 à l’âge de 88 ans.
Quelques années après, le gouvernement cubain nationalisa la fabrique Romeo y Julieta par l’intermédiaire de la société d'État Cubatabaco. La production fut alors transférée quelques numéros plus loin, au No. 852 de la rue Belascoaín, adresse à laquelle une partie de la production est encore assurée aujourd’hui aux côtés des cigares H Upmann. Le reste de la production est, quant à lui, assuré par la fabrique La Corona, qui héberge également les marques Cuaba, Hoyo de Monterrey, Punch, San Cristóbal de la Habana, La Flor de Cano et Por Larrañaga.
Au fil des ans, la fabrique historique de la marque s'est détériorée et fut transformée en bâtiment résidentiel pour loger la population modeste locale. Par la suite, après avoir subi plusieurs effondrements partiels et un grand incendie, il a été démoli. Aujourd'hui, il ne reste plus que sa belle façade, un simple souvenir de l'époque où cette importante manufacture de Habano atteignit le sommet de sa gloire.
Aujourd’hui, la marque Romeo y Julieta demeure toujours l’une des marque de Habano les plus populaires auprès des aficionados du monde entier et compte parmi les plus vendues sur la scène international.
Pour en savoir plus sur José Rodríguez Fernández dit «Don Pepín» et la fabrique Romeo y Julieta située au No. 2A de la rue Belascoaín à La Havane, nous serions ravis de vous faire découvrir, ces plans originaux du bâtiment, ainsi que les photos de l’époque. Vous découvrirez également d’anciennes plaques d’impression, d’anciennes vistas originales et d’anciens cabinets de présentation Romeo y Julieta.
(Pièces issues de notre collection privée)
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