La Corona
L’histoire d’une marque et de fabriques de cigares !
Avant d’être la célèbre fabrique que nous connaissons aujourd’hui, «La Corona» était une marque de cigare. Née sous l’impulsion de José Cabargas en 1845, date de son enregistrement officiel, il l’installa dans sa propre fabrique.
La marque fut à l’époque très bien accueillie par les aficionados, même au-delà de Cuba, en Espagne et en Angleterre.
À la mort de son propriétaire, la fabrique et la marque furent transmises à sa veuve et ses enfants, qui ont alors transféré une première fois la production. Cependant, il apparait qu’en 1880, la marque ne figurait plus dans la liste des fabricants de cigares. C’était à priori la fin de la marque.
Deux années plus tard, en 1882, la marque La Corona fut reprise par Manuel López. L’homme était déjà propriétaire d’une fabrique de cigares, nommée La Vencedora, où il transféra la production des cigares La Corona, aux côtés de son autre marque de cigare : José Domingo.
La même année, la marque changeât une nouvelle fois de propriétaire. Le repreneur, Segundo Álvarez, décida alors de s’associer avec Perfecto López. Ensemble, les deux hommes fondèrent la société Álvarez López y Cía et décidèrent de transférer la production de leur nouvelle marque dans le Palacio de Aldama en 1889, acquit par les deux hommes la même année. Ce somptueux palais de style néoclassique orné d’éléments baroques a été construit en 1840 par Manuel José Carrera pour le riche industriel Don Miguel Aldama, qui le destinait à ses enfants. Malheureusement, ces derniers n’ont pas pu en profiter car il fut confisqué par les Espagnols lors de la guerre d'indépendance cubaine, incitant la famille à quitter l’île. Après la mort de Don Miguel Aldama, le Palacio de Aldama fut vendu aux enchères et acquit par la société Álvarez López y Cía qui le baptisa «La Corona».
C’est à cette époque, 44 ans après sa création, que la marque La Corona et la fabrique éponyme acquièrent toute leur renommée et leur splendeur. Segundo Álvarez était alors reconnu comme étant l’un des plus influant experts dans le monde du cigare cubain.
Le Palacio de Aldama, devenu la première fabrique de cigares baptisée La Corona, rivalisait alors de grandeur avec les autres fabriques les plus importantes de La Havane, telles La Esceptión et La Meridiana, entre autres. Tous bâtis dans le même quartier, ces magnifiques palais forment alors ce que l’on surnomma «Habano Golden Perimeter» (Carré d’or du Habano).
La même année, en 1889, les deux associés vendirent une partie de leurs parts de La Corona à la société Henry Clay and Bock Ltd, financée par des capitaux britanniques. La cogestion durera jusqu'en 1898, date à laquelle Segundo Álvarez décide de vendre l'ensemble de ses parts dans La Corona ainsi qu’une partie de ses autres marques de cigares à la société britannique Havana Cigar and Tobacco Company, elle-même propriétaire de la société Henry Clay and Bock Ltd. Cette dernière a, à son tour, confié la gestion de l'ensemble du processus de fabrication des cigares à la société américaine American Tobacco Company. La Corona était alors financée par des fonds américains.
Dès lors la société Havana Cigar and Tobacco Company, qui assurait toujours la gestion de La Corona, entreprit des travaux de modification du bâtiment en y ajoutant un 3e étage.
En parallèle, au début du XXe siècle, l'American Tobacco Company entreprit la construction d’une seconde fabrique. Cette dernière, située à quelques minutes à pied du Capitolio, fut bâtie sur une parcelle achetée à Leopoldo Carvajal, alors Marquis du Pinar del Río. L'American Tobacco Company mandata alors l’entreprise de construction New-Yorkaise Milliken and Bros pour construire ce qui allait devenir la première structure en acier et béton à Cuba. La construction aurait coûté près d'un million de pesos.
En raison de sa structure en fer, l’édifice fut rapidement surnommée «Palacio de Hierro», le Palais de Fer. Après son achèvement en 1904, cette nouvelle fabrique fut baptisée La Corona, tout comme l’était celle du Palacio de Aldama. Ainsi, ce sont plus de vingt marques qui étaient fabriquées dans le Palais de Fer, parmi elle, Cabañas, A. de Villar y Villar, J. Murias, La Flor de Murias, Santa Damiano, La Flor de Cuba de M. Valle, Joya de San Luis, Duques de Windsor, et d’autres moins connues, dont beaucoup ont été progressivement abandonnées par la suite dans les années 1920 et 1930.
Cet abandon progressif des différentes marques aura valu au Palacio de Hierro d’être surnommé le «Panthéon» par les travailleurs de l'industrie du cigare.
Les deux fabriques auront fonctionnées conjointement pendant près de 30 ans jusqu’en 1932, date à laquelle le Palacio de Aldama a définitivement fermé ses portes en raison de la multiplication des manifestations sociales tournant à l'émeute. Cette situation sociale explosive était dûe à l’apparition du chômage massif lié à la crise de 1929. En 1933, elle a rouvert ses portes, non pas en tant que fabrique de cigares, mais en tant que magasin de cigares et entrepôt avec sa propre salle d'exposition et son propre service commercial. En 1945, il était prévu de démolir l’édifice. Grâce aux protestations de sociétés culturelles et artistiques, il a été sauvé et déclaré Monument national le 9 juin 1949, puis restauré après le triomphe de la révolution cubaine en 1959. Le bâtiment abrite aujourd'hui l'Institut d'histoire cubaine.
Après avoir fermé les portes du Palacio de Aldama, l'American Tobacco Company décide de transférer une partie de sa production de cigares à Trenton, dans le New Jersey, aux États-Unis, après y avoir fait construire leur propre usine ; laissant ainsi à la Havana Cigar and Tobacco Company (aujourd'hui Tabacalera Cubana S.A.) la production destinée au marché intérieur cubain. L'industrie américaine a continué à utiliser des feuilles d'origine cubaine, pour rouler les cigares aux États-Unis. Cela crée une concurrence plus forte pour les indépendants cubains, qui étaient alors contraints de vendre leurs cigares sur le marché américain à prix plus élevés, en raison des droits de douane plus important sur les produits finis que sur la matière première.
Jusqu’à la fin des années 1950, La Corona a conservé sa splendeur et est restée une usine de premier plan dans le commerce de cigares cubains, occupant la majeure partie des parts de marché du secteur.
Peu à peu, à partir de 1960, la marque La Corona perdit de son importance en terme d'exportation, la majeure partie des cigares de la marque étant fabriquée aux États-Unis. Après la victoire de la révolution et l'arrivée des troupes à La Havane, l'État cubain prend la direction de l'industrie du cigare. Toutes les fabriques ont été nationalisées et les exportations cubaines de la marque La Corona ont diminué de façon spectaculaire, jusqu'à l'arrêt de sa production en 1999.
En 2005, soit environ 100 ans après sa construction, les portes de l'usine La Corona du célèbre Palais de Fer se sont refermées et est aujourd’hui reconverti en hôtel.
Une nouvelle fabrique La Corona fut construite, l’actuelle, No. 520 de l'Avenida 20 de Mayo que nous connaissons aujourd’hui. La «nouvelle» La Corona compte aujourd’hui environ 750 employés, dont 300 rouleurs spécialisés. La fabrique héberge notamment la production des cigares Hoyo de Monterrey, Montecristo, Por Larrañaga, Cuaba, Diplomáticos, San Cristóbal de la Habana et quelques éditions régionales.
La Corona n’est pas seulement un nom de fabrique mais de plusieurs fabriques et d’une marque de cigare, l’une des plus importantes de la seconde moitié du XIXe siècle et la première du XXe siècle.
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